L’indomptable Gabin présent à Bouges-le-Château
Le grand Jean Gabin a mis les pieds dans le département de l’Indre après la guerre. Dans Les vieux de la Vieille, au cours d’un dialogue entre Michel Audiard et Jean Gabin, celui-ci s’exprime sur l’époque de la guerre. « Je suis allé plus loin que Verdun et la Somme, moi. J’ai pas fait une guerre de fainéant ».
Le 19 novembre 1976, la Marine nationale jette les cendres de Moncorgé-Gabin. Celui-ci disait souvent : « Vous me balancez à la flotte ! ». Cet hommage montre l’importance que Jean Gabin avait dans la corporation de la marine nationale et surtout ses actes héroïques. Au-delà du Gabin acteur que nous connaissons, il y a l’homme militaire mainte fois récompensé.
Outre les 5 prix reçus pour ses films, l’acteur a également reçu en 1964 une médaille militaire et la Croix de guerre 1939-1945. De la fin de cette période difficile, le Berry a eu la chance d’être honoré de sa présence à Bouges-le-Château. Comment est-il arrivé dans cette contrée du Boischaut-Nord ? Que s’est-il passé durant son séjour aussi court soit-il ?

Un homme à femmes
Pour comprendre ce qu’il en est, revenons un peu en arrière. Sa rencontre avec Marlène Dietrich, en 1930, est un tournant dans la vie de Gabin. Elle voit en lui « un homme idéal ». Leur relation dure sept ans. De la gente féminine, il est un amoureux tendre, vrai et véritable. C’est ainsi qu’en 1938, il aura une relation de courte durer avec Michelle Morgan.
Quand l’Allemagne nazie s’installe à Paris, les deux acteurs veulent réunir leurs confrères français pour jouer mais finalement Jean Gabin aide Michelle Morgan à s’exiler aux États-Unis en passant par la frontière espagnole et la ligne de démarcation. Il pensait la retrouver plus tard, mais elle avait trouvé un nouvel homme sur place.
Gabin, démoralisé, se trouvant aux États-Unis, rencontre Marlène Dietrich lors d’un dîner. Le coup de foudre n’est pas immédiat. Ils ont échangé quelques phrases pleines de sympathie. Marlène Dietrich était aussi exilée. « Nous nous sommes vus souvent, puis nous nous sommes attachés. Il a fallu cette période d’exil pour que l’amour se fasse comme sous l’écorce d’un arbre. L’âme vibrante de cet homme est sensible ».

Le soldat Gabin
Jean Gabin s’est sentie bien avec elle. « Quand je suis arrivée à Hollywood, j’étais mal de ce qui s’est passé. Les choses comme ça on ne pouvait pas les expliquer. Et même si on avait pu, on n’aurait pas voulu le faire. Avec Marlène pas besoin de discours, elle savait ce que je pensais ». Ce couple deviendra un symbole durant la Seconde Guerre mondiale.
Alors que les Allemands réquisitionnent les grandes propriétés pour installer des Kommandantur et que les Américains rentrent dans la guerre, les stars s’engagent dans l’armée. Beaucoup Nombreux travaillent à la Hollywood cantine et d’autres font des spectacles gratuits comme Marlène Dietrich.
À l’Appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle, Jean Gabin prend conscience. « Je me suis rendu compte que j’étais malade de finir ma vie aux États-Unis ». Il ne pouvait donc pas rester les deux mains dans la poche comme il le disait lui-même. Il ne désirait pas faire « des grimaces devant une caméra, en étant bien payé et attendre tranquillement que les autres se fassent descendre. Je veux retrouver un jour mon patelin ».

Un p’tit tour dans le Berry
En 1944, Gabin part au front. Marlène Dietrich l’accompagne au port de Norfolk. L’homme devient canonnier. Sa compagne disait que « Jean s’engage tout entier et c’est certainement dans ce rôle où je l’ai préféré ». La première mission du soldat est de convoyer un pétrolier jusqu’à Alger pendant qu’elle s’engage à l’USO (Service artistique de l’armée américaine).
Jean Gabin s’est retrouvé à l’Alger grâce à sa compagne qui a fait jouer ses relations. Ils ont pu rester ensemble pendant 10 jours. L’acteur accomplit quelques missions mais tout a changé le 6 juin 1944. La libération commence. Et c’est l’occasion pour lui de s’occuper de jeunes recrues au Centre Sirocco. Il se sent utile et les recrues l’apprécient pour ce qu’il est.
Après sa permission, Jean retrouve ses amis du 2ème peloton au château de Bouges, près de Châteauroux. Il est ravi de les rejoindre. L’ensemble de cette 2ème division blindée s’est éparpillée dans le Berry et les hommes découvrent une région qui a été relativement épargnée. Un membre du 4ème escadron est installé à Buzançais. Celui-ci à son opinion.

Un homme respecté
« Arrivés là comme la foudre, nous effrayons les paisibles Berrichons qui se demandent avec inquiétude quelle est cette nouvelle race de sauvages qui circulent comme des fous dans les voitures qui ressemblent à des écrevisses et des tanks qui démolissent les murs avec leur gros derrière chaque fois qu’ils veulent tourner au coin d’une rue. Au bout de 8 jours à Bouges, ils commencent à se rassurer ? Leur hospitalité est vraiment royale », témoigne Robert Mady.
Le plus vieux chef de char du RBFM pourrait être le père des plus jeunes. Il sait se faire respecter, non parce qu’il est Gabin, mais parce que sa simplicité lui a fait gagner l’estime de tous. Jean-Philippe Fiedler, soldat sous les ordres de Gabin déclare qu’ « on avait du respect pour lui. C’était l’ancien et il avait une vie plus aisée que nous. Parfois on ne comprenait pas sa motivation à venir se mettre dans un pétrin pareil ».
Le jeune soldat rajoute que « pour sûr, nous étions tous admiratifs de son engagement et de son comportement amical et sincère avec nous. Côté militaire, il n’a pas démérité et a été un bon chef de char sur lequel on pouvait s’appuyer. Lorsqu’il s’emportait parfois, malgré le respect naturel qu’il imposait à ses camarades, je n’hésitais pas à lui dire en plaisantant : « Oh toi, Pépé le Moko, ça va ! » ».
Jérôme Lambourg