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La nuit tragique d’Écueillé

Indépendamment de la volonté du village, Écueillé est sur la trajectoire des Allemands. Le 25 août, deux itinéraires en partance de la région de Poitiers sont indiqués par le LXIV corps. Ces deux tracés sont d'une part Châtellerault - Châteauroux - Bourges et d'autre part Poitiers - Le Blanc - La Châtre – Nevers, étaient destinés à se tenir à l'écart des Américains qui bordaient la Loire. Un ensemble de tête allemand traverse l'Indre par des itinéraires se trouvant au nord du département : Loches, Valençay, Ecueillé, Vatan, Reuilly et Châtillon-sur-Indre, Pellevoisin, Buzançais, Levroux, Issoudun.

Dans la matinée de ce vendredi 25 août 1944, le 1er escadron du 1er Régiment de France fait son entrée à Écueillé avec 250 hommes. Cet escadron devient le 1er escadron du 8e cuirassier, dirigé par le Capitaine André Colomb. Et non loin du village se trouve un bataillon de chasseur à pied et un autre escadron du Régiment de France. Vient la nuit qui commence à tomber après une chaude journée sur la petite ville silencieuse. Il est à peu près 21h, il fait brun et les cavaliers, dans leur cantonnement commencent à se reposer et les officiers se dirigent vers des chambres réquisitionnées chez les particuliers.

Soudain, un vacarme de convoi militaire retentit en provenance de la route de Nouans-les-Fontames. Un bruit métallique de canons, des exclamations, des ordres se font entendre. Les unités de l'escadron se mettent en place en prenant des précautions mais de tels mouvements de troupe ne paraissent pas inaperçus. Les mitraillettes retentissent, le combat commence. Surpris, les Écueillois se réfugient dans les caves tandis que d'autres s'enfuirent vers les champs les plus proches. Le convoi allemand qui arrive se compose de six camions remorques munis de leur canon antichar 88. Il longeait l’avenue de la gare de la route de Loches à la rue du 11 novembre.



Les Allemands attaquent

Les Allemands longent la rue du Champ de Foire jusqu'à l'Hôtel du Cheval Blanc où se trouvent quatre Écueillois. Trois d'entre eux sont des résistants : Marcel Montee, photographe, Roger Rouillon, ouvrier agricole, et Pierre Rozienko, un électricien d'origine russe émigré en 1918. Le quatrième est Gaston Jubert un jeune homme de 20 ans. Celui-ci lors d’une interview faite en 2004 rappelle « nous les avons vus arrivés dans le café, arme au poing. Ils en ont tué un et blessé un autre gravement qui est mort deux jours plus tard. Et après ils étaient deux qui sont descendus à leurs convois ».

Le jeune Écueillois est enfermé dans un camion à munitions par les Allemands. Ceux-ci emmènent les quatre hommes et quelques autres prisonniers sur la place pour les exécuter. Gaston Jubert tente de fuir. « Je n'avais que mes jambes pour me sauver, et j'ai risqué. J'ai réussi ». Plus tard dans la soirée il arrive dans la campagne alors que les évènements dégénèrent sur la place d’Écueillé. Il est blessé à l’épaule par une balle. Ce n’est que le lendemain que le jeune homme se risque de revenir dans le bourg du village pour aller se faire soigner au poste de secours. Il retourne ensuite chez lui.

Sur la place, les représailles ont déjà commencé. Les cavaliers du 8e Cuirassiers ouvrent le feu déclenchant une intense fusillade en direction de l'artillerie allemande. Celle-ci pensait se trouver seulement face à quelques maquisards mal armés. Prenant compte de la véritable valeur de leurs adversaires, les Allemands ripostent. C'est à ce moment-là qu'ils tirent sur les maisons tout autour de la place. Ils ne disposent que d'obus de rupture antichars à tête en acier perforante mais non explosive. Une douzaine d'immeubles au nord et à l'est de la place sont éventrés sans pour autant avoir été démolis. Les habitants n’ont pas eu le temps de quitter leur demeure. Trois civils sont trouvés morts sous les décombres.



Un incendie se déclare

En plus de la fusillade et de la canonnade s’ajoute un incendie. Les réservoirs d’essence des véhicules allemands perforés par les balles ont pris feu. Celui-ci entraine dans son sillage les caves des maisons. Des chants guerriers et des hurlements des gradés allemands se font entendre. C’est en vain qu’ils tirent des fusées vertes puis rouges pour appeler des renforts qui ne viendront jamais. Cerner par les flammes, les Allemands tentent de s’enfuir par les jardins des maisons et vont se barricader dans les granges et les écuries. Et en lançant des grenades, ils tuent une vieille dame et blessent plusieurs civils.

Autour de la place, violemment éclairée par les flammes qui montent et rougeoient vers le ciel, les tirs cessent. Sur la place d'Écueillé, la vieille mairie si typique dont la charpente et le clocheton sont atteints par les obus commence à brûler par le sommet. Le tocsin sonne. Les pompiers et les hommes valides de la commune viennent mettre en batterie les lances à incendie. Les pompiers de Châteauroux, Buzançais, Lucay-le-Mâle et Levroux sont alertés. A trois heures du matin, aidés de leurs camarades d'Écueillé, les soldats du feu de Buzançais et de Levroux attaquent le feu qui a dévoré une douzaine de maisons dont la mairie.

L'incendie est maîtrisé au lever du jour. On découvre la vision dantesque de la place du village avec ses murs noircis à demi effondrés, les canons inutilisables, les camions réduits à l'état de carcasses, les douilles d'obus jonchant le sol. Certains Allemands se sont réfugiés dans une grange qui est encerclée. Parmi eux 40 survivent et sont constitués prisonniers. Des pertes sont à déplorer. Côté allemand on dénombre 17 tués, 19 disparus dont certains dans les maisons en feu ou en fuite. Du côté écueillois les morts et les blessés sont nombreux. Ajoutons à cette liste, les onze maisons de la place totalement détruites dont la vieille mairie et une vingtaine d'immeubles très endommagés.

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