Rousseau, un des deux derniers mégissiers
Le cuir est un marché porteur dans l’industrie du luxe. Nous connaissons tous les marques Louis Vuitton, Chanel et bien d’autres. La matière première de ces sacs, de ces portefeuilles et tous les autres objets de maroquinerie viennent en partie de notre région. Levroux possède encore de mégisseries-tanneries qui fournissent ses diverses entreprises de luxe. Boischaut-Nord mag a rencontré Edward Rousseau, le jeune chef de l’entreprise familiale Rousseau.

Boischaut-Nord mag : Parlez-nous de votre entreprise.
Edward Rousseau : C’est une société qui a aujourd’hui un peu plus de cent ans. Je suis la 6ème génération. C’était mon grand-père, mon papa, moi et mon petit frère maintenant. Levroux est considéré comme la ville des mégissiers et tanneurs parce qu’avant c’était un gros pôle au niveau du centre de la France. Aujourd’hui nous ne sommes plus que deux : Bonnin-Joyeux et nous Rousseau.
Boischaut-Nord mag : Quelle est la différence entre mégisserie et tannerie ?
Edward Rousseau : Mégisserie vous travaillez de la petite peau alors qu’un tanneur va travailler de la grande peau de vachette, de veau. Chez Rousseau nous travaillons de l’agneau, du mouton et un peu de chèvre.
Boischaut-Nord mag : Qu’est-ce vous faites de ces peaux ?
Nous recevons les peaux soit brutes sorties de l’abattoir, soit déjà pré-tannées en fonction de certains pays d’approvisionnement. Si elles viennent de France, c’est nous qui les faisons de A à Z. Elles sortent des abattoirs et nous faisons toutes les étapes d’écharnage, nous enlèvons le reste de viande et autre, le dépoilage et ensuite nous venons mettre la peau prête à être confectionnée pour soit de la maroquinerie, soit pour la chaussure orthopédique. Cela peut-être aussi pour de l’ameublement. Après c’est en fonction des tailles des peaux. Plus vous allez avoir une peau grande plus vous allez faire des grandes choses. Après c’est en fonction des tailles que vous déterminez le produit que vous faites en final et ce que le client souhaite aussi.
Boischaut-Nord mag : Il semblerait que les métiers autour du cuir reprennent un essor qui était perdu à cause de la diminution du nombre d’entreprise. Comment expliquer cela ?
Nous l’expliquons déjà parce qu’à l’époque nous étions vraiment nombreux dans ces métiers là car il y avait beaucoup de consommateurs de viande. Aujourd’hui il y en a de moins en moins. La population est plus grande mais les consommateurs de viande sont moins présents et aujourd’hui, concrètement en France, il faut se positionner sur des marchés du luxe pour survivre car sinon nous ne faisons pas des marges suffisantes. Vous avez tellement de concurrence au niveau international que vous ne pouvez pas vous permettre de vendre à des bas-prix. Malheureusement nous sommes arrivés à ce stade là. Nous travaillons principalement avec des entreprises qui sont basées dans le luxe, qui ont la capacité de se payer ce qu’il y a de plus beau et nous, nous avons le savoir-faire. Aujourd’hui, nous fabriquons des produits qui sont de qualité supérieure qu’on peut trouver dans les marchés parallèles à l’étranger.
Boischaut-Nord mag : Avez-vous tout de même des commandes pour des produits accessibles à tous ?
Edward Rousseau : Il y a encore des marchés de niche qui existent en France pour des petits artisans, des petits fabricants où nous pouvons proposer des matières moins onéreuses que pour le luxe parce qu’il y a des qualités de peaux qui ne répondent pas à l’exigence du luxe. Donc toutes ces peaux qu’on appelle « rebus » par rapport au luxe peuvent faire tout à fait l’affaire pour des petits artisans qui ont besoin de confectionner des petites pièces et qui n’ont pas besoin de la qualité que font certaines maisons. Il y a encore des petits marchés.
Boischaut-Nord mag : Dans l’Indre, il y a un certain nombre de maroquineries. Travaillez-vous dans un système local ?
Edward Rousseau : En fait, quand nous travaillons avec des maisons de luxe, nous travaillons directement avec la maison de luxe qui travaille après avec ses sous-traitants qui sont maroquiniers dans la région. On ne passe pas directement avec nous. Il y a un intermédiaire pour le secret. Aujourd’hui nous avons un savoir-faire que nous voulons garder et que nous ne voulons pas perdre au profit des étrangers, qu’ils ne pompent pas le peu de savoir-faire qui nous reste. Nous essayons donc de le sécuriser au maximum.